Rupture brutale d’une relation commerciale établie : évaluation du préjudice

La rupture brutale, même partielle, d’une relation commerciale établie demeure une source fréquente de contentieux, tant du côté des fournisseurs que des clients. La Cour de cassation vient récemment d’apporter une précision essentielle sur l’évaluation du préjudice indemnisable, en rappelant que celui-ci doit être strictement limité à la perte de marge brute escomptée pendant la seule durée du préavis non exécuté, et non au-delà (Cass. com. 29-1-2025 n° 23-19.972 F-D).

Faits et décision

Dans l’affaire commentée, un fabricant confronté à une forte baisse de commandes de la part de son partenaire commercial a sollicité la réparation de son préjudice, estimant que la diminution soudaine de ses commandes constituait une rupture partielle sans respect du préavis contractuel.

La cour d’appel avait initialement évalué la perte de marge sur l’ensemble de la période postérieure à la baisse, en déduisant les marges effectivement réalisées jusqu’à deux ans après la rupture. Cette approche a été censurée par la Haute Juridiction, qui rappelle que la réparation doit être intégrale mais strictement circonscrite à la période du préavis non respecté.

Règle de calcul du préjudice

La Cour confirme une jurisprudence constante : le préjudice indemnisable correspond à la différence entre la marge brute attendue sur la période de préavis non exécuté et la marge effectivement réalisée durant cette même période (Cass. com. 24-6-2014 n° 12-27.908 ; Cass. com. 28-6-2023 n° 21-16.940). Il convient donc de déduire uniquement les marges réalisées pendant la période du préavis théorique, et non celles des exercices ultérieurs. Cette rigueur méthodologique garantit une réparation équilibrée, évitant toute surcompensation.

Conséquences pratiques

En pratique, cette décision invite à une vigilance accrue lors de la rédaction des préavis et à une analyse fine des causes de la baisse d’activité, seules les ruptures imputables à un choix volontaire pouvant ouvrir droit à indemnisation (Cass. com. 23-1-2007 n° 04-17.951 ; Cass. com. 8-11-2017 n° 16-15.285). Elle rappelle aussi l’importance d’une documentation précise des marges et des flux commerciaux, outils indispensables à la défense des intérêts des parties dans ce type de contentieux.