La rupture conventionnelle du contrat de travail permet à l’employeur et à son salarié de s’accorder sur la rupture du contrat. Cette procédure, qui a l’avantage non négligeable d’être équilibrée dans ses bénéfices, permet notamment au salarié d’éviter de perdre ses droits aux allocations de Pôle Emploi, et aux parties, de manière générale, d’augmenter les chances d’éviter une procédure judiciaire longue et coûteuse devant les Juridictions Prud’homales engorgées.

 

C’est donc une solution de rupture qui peut aider à venir à bout de situations difficiles, et qui, supposant la collaboration et le consentement des deux parties, peut également apaiser les tensions.

 

C’est l’article L. 1237-11 du Code du travail qui définit la rupture conventionnelle en ces termes :

 

« L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.


La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.


Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties
. »

 

En pleine épidémie du COVID-19, le recours à ce mode de rupture du contrat de travail, bien que supposément amiable, appelle à la plus grande prudence, et ce afin d’éviter un large contentieux lié aux ruptures conventionnelles, qui pourraient survenir à la sortie de la période d’état d’urgence sanitaire.

 

Il convient avant toute chose de préciser qu’il ressort de la lecture des mécanismes permettant de faire face à l’état d’urgence sanitaire qu’aucune restriction n’a été posée à la signature des ruptures conventionnelles ; de sorte qu’il ne peut être considéré comme interdit de rompre le contrat de travail d’un salarié par ce biais pendant la durée de l’état d’urgence.

 

Les plus grandes précautions devront néanmoins être prises, notamment pour la tenue des entretiens qui pourraient avoir lieu afin de négocier la rupture. Il serait par exemple opportun d’avoir recours à la visioconférence si possible, ou à tout le moins d’opérer un respect strict des gestes barrières recommandés par le Gouvernement.

 

Le rendez-vous de signature de la rupture conventionnelle devra faire l’objet de la même prudence (mise à disposition de gel hydroalcoolique, distanciation sociale).

 

Cependant, si rien ne s’oppose à la conclusion d’une telle rupture, il ne faut pas oublier que la procédure de la rupture conventionnelle se réalise en étroite collaboration avec les services compétents de la DIRECCTE (Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) ; de sorte qu’il n’est pas possible d’ignorer l’impact de la pandémie sur les procédures.

Une fois signée, la rupture conventionnelle doit effectivement être adressée à la DIRECCTE pour homologation ; celle-ci dispose d’un délai de 15 jours pour se prononcer. Si elle ne le fait pas, la rupture conventionnelle est considérée homologuée.

 

Néanmoins, les dispositions des ordonnances sur la procédure civile, parues le 25 mars dernier pour faire face à l’état d’urgence sanitaire, établissement le principe d’une prorogation pure et simple des délais.

 

Il semblerait que ces dispositions soient applicables au délai d’homologation des ruptures conventionnelles par la DIRECCTE.

 

Cela pose également question sur les ruptures initiées avant le confinement et, partant, les délais en cours au 12 mars 2020, date du début de la période juridiquement protégée.

 

Le délai d’homologation de 15 jours n’aurait alors vocation à courir qu’à la fin du délai prévu par l’ordonnance du 25 mars 2020 ; c’est-à-dire un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

 

Pratiquement, cela signifierait que les ruptures conventionnelles signées pendant la période (ou juste avant la période de confinement) et adressées à la DIRECCTE ne pourraient être homologuées, au mieux, qu’à compter du 24 juin 2020, hors hypothèse de prolongation de l’état d’urgence sanitaire ; dans l’attente, il faudrait donc considérer les salariés comme faisant toujours partie des effectifs de l’entreprise.

 

Cette donnée doit être prise en considération à deux égards : stratégiquement, d’abord, pour analyser l’opportunité de mettre en place un tel mode de rupture pendant la période d’état d’urgence ; pratiquement, ensuite, car il faut organiser le sort du salarié bénéficiaire de la rupture pendant toute la période qui va s’écouler avant l’homologation, en ayant recours, par exemple, au chômage partiel si les conditions sont réunies.

 

Reste que la DIRECCTE possédant des antennes régionales, certaines de ses branches affirment à l’heure actuelle qu’elles vont continuer à homologuer des ruptures conventionnelles, nonobstant la prorogation des délais prévus par ordonnance.

 

La prudence engage donc à envisager de contacter la DIRECCTE pour recueillir sa position sur le sujet avant de signer une rupture conventionnelle, ou, à tout le moins, de conserver précieusement les codes d’accès au site télé-rc, qui permet de suivre les demandes et de se faire communiquer un certificat d’homologation.

 

C’est la seule obtention de ce certificat, ou d’un accord formel de la DIRECCTE, qui devra permettre, en tout cas d’ici le 24 juin 2020, de considérer qu’un salarié est sorti des effectifs de l’entreprise suite à la signature d’une rupture conventionnelle.

 

Charlotte HUBAU

Avocate

Pôle Droit Social

Cabinet de l’Orangerie